Cardiologue au Pôle Sommeil de Bordeaux, le Dr Vincent Puel est aussi le fondateur de CardioSleep, un congrès unique dédié aux liens entre les troubles du sommeil et les pathologies cardiovasculaires. À l’issue de l’édition 2025, qui s’est tenue à Ajaccio sur le thème « 2050, l’odyssée du sommeil », il revient sur les messages clés de cette rencontre, les enjeux futurs du diagnostic, et la nécessité de renforcer la collaboration entre disciplines.
Dr Vincent PUEL :
2025 restera une édition exceptionnelle à plus d’un titre. Mais ce qui m’a le plus frappé cette année, c’est combien le nouveau mode de communication que nous avons initié au cours de plusieurs sessions a été reçu avec tant de bienveillance et d’attention.
Il s’agissait d’expliquer des thématiques scientifiques d’un point de vue culturel et philosophique, et parfois même anthropologique. Ceci découle de la richesse de la composition de notre Comité d’Organisation qui a intégré de nouveaux membres, ayant une vision originale de la médecine du sommeil conduisant à des choix d’intervenants peu connus dans notre spécialité sommeil.
Malgré les conditions d’accueil qui n’étaient pas des plus faciles dans le palais des Congrès d’Ajaccio en raison de l’absence de climatisation pour la dernière année, les participants n’ont pas quitté l’amphithéâtre, captivés par des intervenants de très grande qualité.
Elle est née d’un constat clinique. J’ai commencé à m’intéresser au sommeil dans les années 2000, après la lecture d’un article sur l’usage du stimulateur cardiaque pour traiter les apnées du sommeil. Même si cette piste n’a pas été concluante, cela m’a ouvert les yeux sur le lien entre sommeil et maladies cardiovasculaires. En tant que cardiologue, j’ai vu des patients s’améliorer de façon spectaculaire après traitement de leur SAHOS.
Cela m’a conduit à me former à la médecine du sommeil, et surtout à me poser cette question : pourquoi les cardiologues ne s’intéressent-ils pas plus au sommeil ? D’où l’idée de créer un espace de formation comme CardioSleep, en 2012, avec mon ami Jean-Pierre Baroin.
Absolument. Le sommeil ne peut pas être soigné correctement en restant dans sa spécialité. Les ORL, psychiatres, pédiatres, pneumologues, chirurgiens maxillo-faciaux, généralistes… tous ont un rôle à jouer. Et c’est cette richesse qui fait la force de CardioSleep. L’apnée du sommeil, notamment, ne se résume pas à un seul profil. Il y a l’homme obèse et somnolent, mais aussi la femme ménopausée, l’enfant avec TDAH, l’adolescent en dette de sommeil… Il faut sortir de l’archétype des années 2000.
Parce que le monde du sommeil avance, mais que ses outils de diagnostic évoluent peu. La polysomnographie reste la référence, mais les objets connectés bousculent la donne. Aux États-Unis, certains dispositifs sont déjà validés par la FDA. En France, on hésite encore : est-ce fiable ? utile ? pour qui ? CardioSleep est justement là pour en discuter sans dogmatisme.
Nous avons aussi abordé l’évolution du sommeil humain sur le temps long, la question des rêves à l’ère numérique, et des perspectives assez inédites sur les critères diagnostiques de demain. On ne pourra pas continuer à utiliser les mêmes pour un homme de 65 ans et une adolescente. Il faudra adapter.
Le congrès s’adresse d’abord aux praticiens libéraux, souvent moins visibles dans les grands rendez-vous médicaux. Ce sont eux qui voient les patients au quotidien. Notre objectif est de leur donner des clés concrètes pour dépister, comprendre et orienter. Nous avons aussi voulu créer un espace de parole, où l’on puisse échanger librement, sans pression académique. C’est ça, l’ADN de CardioSleep.
Je dirais que le sommeil est un pilier de la santé cardiovasculaire. On parle d’alimentation, d’exercice, d’arrêt du tabac… mais encore trop peu du sommeil. Et pourtant, chez certains patients, traiter un SAHOS peut être aussi impactant qu’un médicament. Il est temps d’intégrer pleinement cette dimension dans nos pratiques. Et c’est exactement la mission que nous poursuivons, au Pôle Sommeil comme à CardioSleep.
Rédactionnel Webzako
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